Je me réveille dans cette chambre d’hôpital. Je ne ressens aucune douleur. Seraient-ce les effets de l’anesthésie ou simplement la joie de se dire qu’enfin les fibromes utérins ont été retirés? Je ne sais pas. Mon utérus a été entaillé. Une dizaine de fibromes ont été retirés. Plus de 3h d’opération sous anesthésie générale.  Maintenant, ma convalescence débute. Je me sens libre.

Phase 1 : Ce n’est rien, juste des tumeurs bénignes, non cancéreuses…

En 2014, lors d’une échographie suite à des douleurs pelviennes, le médecin m’a informée que j’avais des fibromes utérins.

Moi : “C’est quoi?”.  

Lui : “Ce sont des tumeurs bénignes situées dans l’utérus“.

Moi : “Est-ce dangereux?”.

Lui : “Non, de nombreuses femmes noires sont porteuses de fibromes”.

Tumeurs bénignes. Non cancéreuses. De nombreuses femmes noires en ont. Je n’ai aucune douleur. OK, ce n’est rien!

Ayant comme précepte “Il vaut mieux prévenir que guérir”, tous les ans, je fais une échographie de contrôle. Les trois fibromes sous-séreux augmentent. Mais, ce n’est toujours rien! Je n’ai aucun symptôme.

Fin 2016, je rencontre Aïssatou, de Fibromelles (désormais l’association Vivre 100 Fibromes) qui milite pour la connaissance des fibromes utérins. Nous sommes plusieurs femmes à l’écouter. Quelques unes disent avoir des fibromes utérins. La phrase d’Aïssatou reste gravée dans mon esprit : “On nous demande de palper souvent nos seins à des fins de contrôle. Pourquoi ne nous demande-t-on de palper notre ventre pour détecter la présence (ou pas) de masse abdominale anormale?”

Motivée par le combat de cette femme qui milite pour la santé de la femme, je décide de m’engager dans l’association Vivre 100 Fibromes. Là, je découvre de plus en plus la maladie.  Je n’ai nullement conscience que ces cellules musculaires vont m’amener à subir la première opération de ma vie. Mais, elles ne semblent plus si bénignes. Les chiffres parlent :

  • 30% des ablations de l’utérus au Canada sont dues aux fibromes utérins.
  • 30 à 50% des femmes sont porteuses de fibromes.
  • Jusqu’à 80% des femmes noires et 70%, des blanches.

Je me sens chanceuse, car contrairement à certaines femmes, je n’ai aucunes douleurs. Je suis ce qu’on appelle dans le jargon médical, asymptomatique (qui ne présente aucun symptôme clinique). Néanmoins, certains fibromes continuent à grossir et l’un des myomes mesure désormais presque 9 cm de diamètre, environ la taille d’un embryon de 14 semaines. Toujours chanceuse, je n’ai pas le ventre d’une femme enceinte de 14 semaines.

Sachant que tout ce qui ne s’exprime pas s’imprime, je cherche à comprendre la cause de ma maladie. Ma maladie (« Le mal a dit ») essaie de me dire quelque chose. En Ayurvéda et dans bien d’autres médecines, l’utérus est un lieu de mémoire, le symbole de la créativité, de la fertilité… Il nous relie à notre pouvoir féminin. Donc, qu’est-ce qui n’a pas été dit? Une grande question! 

Source : http://www.1001fecondites.com/2011/10/matrice-uterine-berceau-de-fecondite-et.html  

Afin d’avoir une meilleure connaissance de mon corps et prendre conscience de tous les petits changements qui surviennent pendant mon cycle, je télécharge une application sur mon téléphone pour répertorier tous les symptômes durant mes menstruations; très utile quand les gynécologues me posent des questions sur mon cycle. Je suis aussi une formation auprès de Séréna Québec sur la méthode symptothermique qui permet d’identifier les périodes fertiles et infertiles du cycle.

Je consulte une naturopathe, un ostéopathe et une acupunctrice. Je modifie mon alimentation en privilégiant les aliments biologiques autant que possible, en consommant plus des crudités, en évitant le lait et le thé. Le chardon marie, qui aide à soutenir l’activité du foie, devient l’un de mes amis.  Sous les recommandations de mon acupunctrice spécialisée en fertilité (gynécologue dans son pays d’origine), je me mets à boire de l’eau tiède ou à température ambiante. Cela permet une stimulation des enzymes digestives naturelles et une amélioration de la digestion. En plus du sport que je fais régulièrement, j’ajoute la pratique du yoga.

Je n’affirmerai pas que cela a un effet direct sur les plus gros fibromes, mais ça contribue à mon bien-être, celui de mon système digestif et de mon utérus.

Phase 2 : Douleurs, stress et errance médicale.

Durant l’été 2017, une amie me demande si je suis enceinte. Non! Mon ventre a gonflé. Ma vessie subit de plus en plus la pression des fibromes. Mes nuits de sommeil sont fréquemment interrompues par cet inconfort. D’asymptomatique, je passe au statut de symptomatique.

De septembre à décembre 2017,  je réalise deux échographies. J’effectue trois visites médicales chez deux gynécologues différents. À chaque rendez-vous, j’apporte l’ensemble des mes échographies ; très important lorsqu’on n’a pas de médecin de famille. Mon objectif : trouver un médecin à l’écoute, qui accepte de me suivre et de réaliser une myomectomie. Cette intervention chirurgicale sous anesthésie générale consiste à effectuer l’ablation des fibromes utérins. Contrairement à l’hystérectomie, l’utérus est conservé.

Le premier gynécologue me recommande de prendre le médicament Fibristal, puis de faire une IRM par la suite. Le Fibristal peut entraîner un rétrécissement des fibromes en bloquant les effets de la progestérone (hormone qui stimule la formation et la croissance des fibromes) sur l’endomètre. Compte tenu des effets secondaires répertoriés et de la probabilité minime que cela ait un effet sur les gros fibromes, je décide de ne pas prendre ce médicament.

Désireuse d’avoir un deuxième avis, je consulte une gynécologue à l’hôpital. Elle ne considère pas mon cas alarmant car mes symptômes ne sont pas importants, selon elle. Néanmoins, elle me prescrit une échographie pelvienne.

Début décembre,  je suis de retour chez cette deuxième gynécologue.  Après avoir entendu mes arguments, elle accepte enfin de me mettre sur la liste d’attente de l’hôpital pour une myomectomie qui aura probablement lieu dans les 6  mois à venir.

Le 11 janvier 2018, je ressens une douleur intense au niveau du bas ventre. J’ai constamment envie d’uriner, mais pas de brûlures lors des mictions. Je me réveille six fois dans la nuit. Je pense à une infection urinaire. Le lendemain, je me précipite chez le médecin. Un test urinaire est réalisé. Des antibiotiques et un arrêt de travail me sont prescrits.

Du vendredi au dimanche, les douleurs sont de plus en plus intenses. Les antibiotiques et le jus de canneberge ne font aucun effet. Je ressens comme une sensation de pincement intense au niveau du fibrome et des élancements. Toutes les hypothèses défilent dans mon cerveau. Aïssatou me parle de nécrose du fibrome (le dépérissement d’un fibrome provoqué par une chute de l’irrigation sanguine) ou de torsion d’un fibrome sous-séreux pédiculé.  

Le lundi, je suis de retour à la clinique médicale. Un autre médecin m’examine. Les résultats des tests urinaires sont négatifs. Je lui fais part de l’hypothèse d’une nécrose d’un des fibromes. Après une palpation abdominale, le médecin suppose qu’il s’agit d’une inflammation du péritoine ou, en effet, d’une nécrose. Une radiographie ou une IRM est nécessaire pour poser un diagnostic. Il m’envoie aux urgences de l’hôpital où je suis sur liste d’attente pour l’opération.

Face à une étudiante en médecine, j’explique à nouveau mes douleurs, l’histoire des fibromes, la liste d’attente… Je lui précise qu’un gynécologue me suit dans ce même hôpital. Elle essaye de palper le col de l’utérus, sans succès. Un autre résident se joint à elle. Je lui ré-explique la même histoire. Il veut à nouveau examiner le col. “Votre collègue vient de le faire. Elle n’a pas réussi.” lui dis-je avec exaspération. Il insiste. Il le fait. Résultat identique. Je leur demande de contacter le gynécologue qui me suit dans cet hôpital. Étonnement, je ne l’ai jamais vu.

Je demande qu’il vérifie qu’il ne s’agit pas d’une inflammation du péritoine. Impossible selon eux, je n’ai ni fièvre, ni vomissements.  J’exige une échographie. Après 30 minutes d’attente, les deux étudiants accompagnés du médecin chef gynécologue et d’une machine pour réaliser une radiographie se joignent à moi. Après cinq minutes, le médecin chef me lance : “Vous avez de gros fibromes! Les résultats du test urinaire et de la prise de sang sont normaux hormis une légère anémie. Vous pouvez rentrer chez vous. Il ne semble y avoir rien d’anormal“.

Pour ceux et celles qui connaissent le dessin animé Nicky Larson, mon envie à ce moment là est parfaitement illustrée par cette image. Heureusement que je n’avais pas de massue…

 

J’exige une échographie plus poussée. Il est hors de question que je rentre chez moi sans savoir la cause de ma souffrance. J’obtiens un rendez-vous le lendemain au service de radiologie. On me donne une prescription d’antalgiques et d’anti-inflammatoires à prendre en fonction de l’intensité de la douleur, et ce, pendant un temps indéterminé.

Avant de partir, le médecin m’avertit : “Ce n’est pas sûr que nous verrons quelque chose avec une échographie“.  Je lui rétorque : “D’accord! Dans ce cas, que fait-on?” Je n’ai aucune réponse. Je suis hors de moi.  

En insistant, je sens parfois que mon cas agace les médecins en face de moi. Je suis convaincue qu’ils ne nient pas ma douleur, mais qu’à quelque part, je les mets en position d’échec. Ils ne m’offrent aucune solution, aucune réponse. Des dizaines de questions défilent dans mon cerveau. Ces anti-inflammatoires auront-ils des conséquences sur ma flore intestinale? Que puis-je prendre pour la protéger? Combien de temps devrai-je les prendre? Comment justifier des absences à répétition à mon employeur? Finirai-je par trouver un médecin qui m’écoutera et acceptera de m’opérer? Dans combien de temps?…

À mon grand désespoir, en souffrance, je décide de prendre le Fibristal pendant un mois.

Phase 3 : La semaine des miracles nommée compassion, empathie et libération.

Je vais en clinique de radiologie privée pour effectuer l’IRM qui m’avait été prescrite quelques mois auparavant. L’écoute et la sympathie de l’assistante médicale me touchent profondément. Même si je suis entourée d’une famille et d’amis merveilleux, j’ai enfin ce sentiment d’être aidée par une personne proche du corps médical. L’IRM faite, je repars avec le CD. Je dois attendre que le médecin ne reçoive les résultats.

Dix jours, plus tard… toujours sous anti-inflammatoires, je suis dans le cabinet du gynécologue. Le résultat tant attendu et parfaitement connu tombe : le plus gros fibrome nécrose. À première vue, il s’agit d’une bonne nouvelle puisque cela signifie que le fibrome meurt. Mais, combien de temps les douleurs dureront-elles? Que puis-je faire pour en réduire l’intensité? “Que fait-on? ” demandai-je au médecin. Je reçois la réponse comme un coup de poignard dans le corps : “On ne peut rien faire hormis prendre les anti-inflammatoires.” dit-il.

Le trop plein de larmes retenues depuis des jours coulent sur mon visage. Je regarde le médecin et lui dis : “ Je ne parle pas au médecin, mais à un autre être humain. En face de vous, vous avez un être humain qui souffre depuis maintenant trois semaines. Qui est sous anti-inflammatoire pour une durée indéterminée. Vous êtes dans le domaine médical. Vous connaissez des médecins qui peuvent m’opérer. Je suis capable de patienter jusqu’au mois d’avril s’il le faut, mais aidez-moi à trouver un médecin qui m’opérera.”

Trois heures plus tard, je suis devant le médecin qui m’opérera dans les jours suivants. Ma souffrance a enfin été entendue.

Le 7 février, 6h30 du matin, je suis à l’hôpital pour subir la myomectomie tant attendue. L’infirmière m’informe cinq minutes après mon arrivée que le gynécologue obstétricien a annulé toutes ses interventions. À 6h45, je suis dans le taxi en route pour chez moi. Je passe du soulagement au désespoir. Je n’arrive plus à réfléchir tant je suis fatiguée. Je ne veux plus me battre. À ce moment là, mon amie Fauve qui m’accompagne me montre un courriel qu’elle a reçu le matin même. Un véritable baume au coeur!

À 8h, j’appelle le cabinet médical pour demander une autre date d’opération. J’apprends que le médecin attendait au bloc opératoire et qu’il n’avait pas annulé ses opérations. Grosse erreur administrative! Impossible de m’opérer puisque je venais de prendre mon petit déjeuner. Le système de santé québécois est en souffrance mes chers amis! Ma souffrance aura un terme. Mais à quand la guérison de notre système de santé? Bref, c’est une autre histoire!

La myomectomie par laparotomie sous anesthésie générale a eu lieu le 21 février 2018. Plus de 3h dans le bloc opératoire. Une dizaine de fibromes sous-séreux retirés. Quatre nuits à l’hôpital. Une belle cicatrice qualifiée d’oeuvre d’art par les infirmiers. Je vous rassure, ma cicatrice ne ressemble plus à cela!

 

Mes deux mois de convalescence ont été sous le signe du repos et de l’amour des miens. Qu’ai-je fait et mangé?

  • pratiquer des postures de relaxation apprises au yoga
  • méditer pour stabiliser mes émotions et me reconnecter
  • appliquer l’huile essentielle de lavande et l’huile végétale de rose musquée bio sur la cicatrice pour leurs propriétés régénérantes et cicatrisantes
  • boire du jus d’aloe vera bio (un excellent pansement interne)
  • bien m’alimenter avec des soupes de légumes, des crudités et des graines germées
  • soutenir mon foie grâce au chardon mari et le jus de citron.

Je sais que les fibromes peuvent apparaître à nouveau. Mais, aujourd’hui, je suis debout et  combative. Je remercie toutes les personnes qui m’ont entourée de leur amour.

Source : ma nièce

Faites de cette phrase une règle de vie: “If you are feeling severe pain/discomfort don’t let the medical staff gaslight you into being silent. Stand your ground, because you just might save your own life.” (traduction libre « Si vous ressentez une douleur, un inconfort ne laissez pas le personnel médical vous influencer ni vous imposer le silence. Restez sur vos positions, car vous pourriez peut-être sauver votre vie»).

Ne baissez jamais les bras lorsqu’il s’agit de votre santé. Écoutez votre corps. Cherchez à connaître, à comprendre votre maladie. Informez-vous. Montez votre dossier médical. Frappez à de multiples portes. Demandez différents avis. Entourez-vous de personnes qui vous soutiennent.  Et surtout, gardez espoir qu’une porte s’ouvrira.

Avec toute mon amitié.

RG