J’avais 26 ans quand j’ai su que j’avais un agrume dans le ventre. Mon médecin de famille avait cru bon de me faire passer une échographie pelvienne parce qu’elle sentait une bosse au niveau de mon ovaire droit. Elle m’avait pris la main doucement et m’avait aidée à palper mon propre corps dans lequel se trouvait un fibrome de 5 par 7 cm. « C’est comme un petit pamplemousse, une tumeur bénigne. »  Cette médecin, qui a pris sa retraite depuis, avait jugé bon de me référer à une gynécologue pour un avis sur cette masse, étant donné mon jeune âge, pour évaluer si tout était ok. Un mois plus tard, je rencontrais une médecin gynécologue qui s’était fait plutôt rassurante : « C’est quelque chose de fréquent, on surveille tout simplement étant donné que tu n’as pas de symptômes. On enlève rarement puisqu’il y toujours des risques d’enlever l’utérus en cours de chirurgie et comme tu es jeune… On s’attend à ce que cela grossisse, mais continue de prendre la pilule, cela va stabiliser le fibrome. Je vais tout de même te faire passer une échographie intravaginale, pour bien voir la localisation. Bonne journée. » À cette échographie, quelques semaines plus tard, je me rappelle qu’une infirmière m’avait accompagnée tout le long de l’examen. J’étais dans un hôpital universitaire : une résidente avait conduit l’examen accompagnée de son patron et de plusieurs étudiants. Bien que tout se soit passé dans le respect, je me suis sentie comme un cas d’étude intéressant. L’important, c’est que tous ont pu constater, avec moi, que la localisation du fibrome, assez gros pour mon âge m’a-t-on toujours répété, était bien placé pour une éventuelle grossesse. Soulagement? Je ne sais pas puisque j’étais loin de cette réflexion à l’époque! Chose certaine, à ce moment, je n’avais plus peur, j’étais même fière de porter une telle masse, cela m’impressionnait. Étrange tout de même en y repensant. C’est d’ailleurs à cette époque que j’ai su que ma mère avait déjà porté des fibromes : « J’ai déjà eu ça. » Fin de la discussion puisque c’est une condition banale, non?

Au printemps 2008, j’ai dû appeler l’ambulance, car une douleur au bas du ventre m’a complètement clouée au sol de ma salle de bain. J’ai cru que j’allais mourir, je sentais que l’intérieur de mon ventre se déchirait. Je n’avais jamais senti une telle douleur, vive et subite. À l’arrivée des ambulanciers, je ne ressentais plus rien, la douleur avait passé, mais on m’a quand même amenée à l’hôpital où on m’a fait passer un rayon X. Le médecin a écouté mon cœur, mes poumons, rien en vue. Je suis retournée chez moi, dans l’espoir que cela ne se reproduise pas. Cette douleur n’était pas banale. C’était probablement l’agrume qui prenait de l’espace ou se nécrosait. Cette intense douleur s’est reproduite trois fois à l’intérieur de cinq ans. J’avais l’expérience, je savais que la douleur partirait comme elle était apparue. Une épée de Damoclès planait, mais qui n’en a pas?  Ces douleurs se sont fait rares, mais j’ai souvent eu de drôles de pincements pulsatiles au niveau utérin, je sentais qu’il y avait de la construction dans mon corps que je n’avais pas commandée. Mais la machine humaine est si complexe, c’est normal qu’il y ait du mouvement dans notre corps, non?

Cinq années ont passé, je n’avais toujours aucun symptôme propre au fibrome en 2011. Ma nouvelle médecin de famille a trouvé bon de me faire passer à nouveau une échographie de contrôle, afin de s’assurer que tout allait bien pour ma santé utérine. On était rendu à 10 cm. Je le sentais un peu plus, évidemment, mais « on surveille », c’était le mot d’ordre. Fin de la discussion puisque c’est une condition banale, non? Je continue de prendre la pilule, tout simplement.

Cinq années ont passé, 2016 avait sonné et, sans avoir de symptômes totalement incommodants, j’avais à l’occasion des règles très abondantes, très gérables malgré tout. J’étais de plus en plus inconfortable couchée à plat ventre jusqu’à ne plus être capable de rester sur une table à massage ou dans certaines positions de yoga. Longtemps debout, je ressentais une certaine lourdeur et j’avais mal dans le bas du dos. Si j’éternuais assise, je pouvais avoir de petites surprises urinaires; si je faisais de la danse aérobique, j’évitais tous les sauts… Finalement, avec le recul, j’avais des symptômes que je n’aurais pas dû considérer comme normaux. Ce n’était pas banal.

En 2017, je savais que le fibrome avait pris de l’ampleur, je le sentais très bien sans vraiment comprendre qu’il était rendu très gros. Une amie médecin m’avait dit qu’il y avait maintenant un médicament, le Fibristal©, qui faisait rétrécir les fibromes. J’ai eu un espoir de voir disparaitre à jamais ce satané intrus utérin. À mon rendez-vous annuel, j’ai vu dans l’attitude de mon médecin, lors de l’examen gynécologique, que c’était très gros, trop gros. Elle m’a prescrit le Fibristal©, une échographie et une requête en gynécologie. L’échographie a montré que le fibrome était rendu à près de 18 cm. J’avais, malgré tout, l’idée que ma condition était banale, qu’on n’enlevait pas la tumeur à moins de symptômes importants… Et la gynécologue rencontrée m’a auscultée et m’a dit : « Oh, votre fibrome est très gros… Il faudrait l’enlever. Ça devient très lourd pour l’utérus, si vous voulez des enfants, il faut que l’utérus ait le temps de guérir. Je pourrais vous mettre sur la liste de priorité, dans deux mois, je pourrais vous opérer. Vous continuez le Fibristal© pour trois mois. » Choc. Je n’étais pas préparée à ça. J’ai demandé s’il n’y avait pas d’alternatives, « non, malheureusement ». J’ai demandé si je pouvais refuser la chirurgie, « oui, mais votre fibrome va grossir et en attendant, vous risquez une plus grosse opération. » La gynéco m’a donné rendez-vous trois mois plus tard, pour me laisser le temps de réfléchir. Je n’étais tellement pas prête à vivre l’opération… et j’ai tellement pleuré en revenant chez moi. J’ai laissé des traces de mascaras sur le t-shirt de mon chum.

Une semaine a passé et j’ai développé une anxiété généralisée. Je ne pensais qu’à la salle d’opération, je pleurais, je me sentais si mal, je voulais mourir. J’avais un voyage de planifié avec mon amoureux… Nous sommes revenus le lendemain du départ, je ne dormais plus, je n’étais plus moi-même, j’avais perdu ma personnalité. À ma clinique sans rendez-vous, une médecin extraordinaire, tellement à l’écoute, m’a prescrit des antidépresseurs et une requête pour une gynécologue qu’elle connaissait de réputation pour ses compétences en chirurgie minimale, la moins invasive possible. Ce 2e avis m’a rassurée dans la mesure où la chirurgie n’était pas une urgence, que je pouvais m’y préparer. C’est là que j’ai vu ma vie et la maladie prendre un autre tournant.

J’ai commencé une psychothérapie et j’ai fait des recherches pendant tout l’été sur les fibromes utérins. J’ai scruté des articles scientifiques jusqu’aux remèdes miracles sur Pinterest pour me faire une tête sur ce qui existait pour le traitement des fibromes utérins. J’ai lu des ouvrages que j’ai commandés sur Internet, j’ai photocopié des chapitres complets de livres de référence à la bibliothèque, je suis devenue végétalienne. C’est là que j’ai compris que les fibromes, bien qu’il y ait probablement des facteurs génétiques en cause, étaient le symptôme de bien des variables du mode de vie. Et ça, j’en suis convaincue. Je suis tombée sur le traitement des fibromes utérins par ultrasons focalisés et sur le blog de Fibromelle. Quelqu’un m’avait entendue. Un Fibrome Day aurait lieu en novembre, je reprenais peu à peu ma vie et mes espoirs en main. Merci à mon amoureux Jonathan et à Aïssatou, mes sauveurs.

Cet été 2017 a été un moment de grande détresse psychologique, trouble de l’adaptation avec anxiété sévère m’a-t-on diagnostiqué, mais ce fut un état qui m’a permis de déployer tous les possibles, d’apporter des changements positifs dans mon mode de vie, mon nouveau bien-être. J’aurai investi temps et argent, mais je peux dire qu’aujourd’hui, en 2020, je suis guérie, d’une certaine façon. J’ai découvert le mot Prévention avec un « P » majuscule et la force d’une médecine intégrative. La liste de mes nouveaux alliés est longue, mais c’est ce qui m’aura permis de me rétablir et de continuer à développer mon autonomisation : psychologue, acupunctrice, herboriste, naturopathe, hypnothérapeute, ostéopathe, yoga thérapeute, nutritionniste, kinésiologue et Vivre 100 fibromes. Avec ces nouveaux alliés, j’aurai même eu des références pour un 3e et 4e avis médicaux. Je n’étais toujours pas prête à utiliser le bistouri, phobie de la chirurgie et de la douleur. Je trouve courageuses celles qui auront choisi cette option.

À travers toutes les thérapies complémentaires, j’ai tenté d’être régulière dans l’activité physique modérée (plus difficile durant la pandémie!), de réduire le stress avec la méditation, de manger d’une façon optimale, de couper l’alcool. Et mes recherches sur les ultrasons focalisés m’ont menée jusqu’à Bordeaux, en France, après quelques demandes pour des essais cliniques en Ontario et une constatation des prix exorbitants aux États-Unis. Au CHU de Bordeaux, j’ai pris rendez-vous en radiologie interventionnelle, pour juillet 2018. La facilité de la préparation de mon dossier, de l’efficacité du personnel de l’hôpital et de l’organisation de mon voyage en tourisme médical m’émeut encore. Je sais que les résultats n’étaient pas assurés, mais j’aimais le slogan « No incision my decision ». Mon expérience de santé à Bordeaux fut parfaite, malgré la sonde urinaire installée de peine et de misère, le traitement fut un vrai succès. Bien que ce fut long (quatre heures éveillée dans un appareil d’IRM), les ultrasons ont brûlé une grande partie de la tumeur. Je visitais la ville du vin le lendemain matin. À ce jour, le fibrome a diminué de plus de 50% et continue de régresser. Fin de la discussion. Ce n’est pas banal, c’est un traitement qui mérite d’être connu et d’être accessible.

Depuis mars 2018, je m’implique au sein de Vivre 100 fibromes parce que je suis personnellement touchée par la maladie, parce que j’ai le goût d’échanger sur cette condition qui n’est pas banale et parce que je veux contribuer à faire avancer cette cause. Entre une tasse de thé vert et une séance de yoga, je veux aider d’autres femmes qui vivent avec la maladie à prendre un tournant positif.