Au Canada, une femme sur trois en âge de procréer a un fibrome utérin. Il s’agit de la tumeur gynécologique bénigne la plus fréquente d’après la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada (SOCG). Les traitements proposés sont souvent limités, agressifs et coûteux. Pourquoi tant de méconnaissance accompagne cette pathologie ? Quelles sont les conséquences d’une telle situation ?

 « Il y a un manque cruel d’information au niveau des fibromes utérins », déplore la présidente de l’association « Vivre 100 fibromes » Aïssatou Sidibé, elle-même porteuse de fibromes multiples. Le système de santé canadien dépense des millions de dollars dans un système curatif au lieu de sensibiliser la population et les médecins. En l’absence d’informations sur cette maladie et ses symptômes, les femmes continuent leurs errances médicales, attendent et cherchent des solutions à leur problème.

« J’ai entendu la première fois le mot « fibrome » sur mon lit d’hôpital aux urgences, alors que je suis infirmière, souligne Aïssatou. Si j’avais connu le problème plus tôt, j’aurais sûrement pu éviter de me retrouver dans une situation critique et consulter plus tôt ». Les fibromes utérins sont des tumeurs bénignes qui se trouvent principalement au niveau de l’utérus. Ils sont de plus en plus présents chez les jeunes femmes. Pour certaines, aucun symptôme particulier n’est présent, alors que pour d’autres, les tumeurs entraînent d’importants saignements, de l’anémie, des douleurs et dans certains cas des problèmes de fertilité. Les fibromes touchent davantage les femmes afro-caribéennes, mais à l’heure actuelle les raisons en sont inconnues.

« C’est une maladie qui entrave le quotidien et nous sommes laissées dans la nature », se désole Yves-Keren Delanois, opérée des fibromes utérins le printemps dernier« Les médecins sont mal renseignés », s’étonne-t-elle. Elle a dû chercher elle-même les informations sur la maladie.

Anta Niang, chargée de communication au sein de l’association « Vivre 100 fibromes » confirme le manque d’options chez les gynécologues. « C’est comme s’il n’y avait rien à faire, vous avez des fibromes et vous devez l’accepter comme une fatalité, dit-elle. La seule solution que l’on m’a proposée est un médicament qui provoque une ménopause de 6 mois ou une intervention chirurgicale ». Désireuse d’avoir des enfants, Anta demeure depuis plus de 6 mois sur la liste d’attente chez un autre gynécologue conseillé par ses amies.

Une médecine curative plutôt que préventive

À l’heure actuelle, aucun traitement non invasif ne fait disparaître les fibromes utérins. Des médicaments provoquant la ménopause ou des chirurgies comme l’hystérectomie (l’ablation totale de l’utérus), la myomectomie (ablation du fibrome) font partie des traitements courants utilisés par les médecins. 30% des hystérectomies au Canada sont d’ailleurs pratiquées dans le cadre des fibromes utérins : un chiffre conséquent.

« Je vous avoue qu’il y a un retard dans la pratique des gynécologues par rapport aux technologies disponibles », affirme le Docteur Faez Faruqi, fondateur de la clinique Gynesys à Montréal. « Il reste encore beaucoup de patientes qui subissent des hystérectomies, alors qu’elles pourraient bénéficier de chirurgies moins invasives », pense-t-il. Le médecin accuse un système médical au Québec qui coupe les budgets, limitant sévèrement la capacité des gynécologues à aider leurs patientes. Les fibromes utérins coûtent pourtant au gouvernement : 130 millions de dollars par année en procédures chirurgicales.

Pour un système de santé intégratif

D’après de nombreux représentants de la médecine dite intégrative, la médecine conventionnelle impose sa méthode et reste fermée face à d’autres moyens de prise en charge des patients. « Beaucoup de symptômes pourraient pourtant être améliorés, voire éliminés par une approche de soin globale », affirme Victoria Doudenkova, candidate au doctorat en sciences biomédicales dans le domaine de la bioéthique et naturothérapeute.

L’ostéopathe spécialisée dans les fibromes utérins, Nathalie Camirand, constate d’ailleurs une nette amélioration des symptômes causés par les tumeurs, voire même une diminution de celles-ci chez les femmes qu’elle traite. « Du point de vue de la médecine traditionnelle, il n’y a pas grand-chose que l’on puisse vraiment faire à part la chirurgie et /ou offrir de la médication pour réduire les fibromes, une pratique plutôt invasive, mais qui, pour certaines, peut s’avérer parfois nécessaire, dit-elle. La médecine intégrative peut offrir une  vision plus élargie en travaillant davantage sur les causes du problème ». Elle espère que le système médical québécois finira par intégrer l’ostéopathie et d’autres formes de médecines dans les cliniques et les hôpitaux. Dans d’autres pays, cette pratique est déjà plus courante.

Marisol Stevenson, naturopathe dans le domaine de la gynécologie, appelle la société à prendre conscience des possibilités de guérison naturelle du corps. « Il est intelligent et réceptif! », affirme-t-elle.

Une approche intégrative de la santé représente pour ces femmes un espoir important. « Face au manque de sensibilisation et face aux options de traitements souvent limitées et radicales offertes aux femmes, il est primordial qu’un débat soit lancé », soutient Victoria Doudenkova. Conjuguer les différentes approches de soins qui existent pourrait certainement faire une grande différence pour celles qui vivent avec les implications des fibromes utérins, par exemple les saignements abondants, explique-t-elle. Au-delà du nombre de centimètres du fibrome, une orientation sur le bien-être semble primer pour les femmes affectées et certains professionnels de la santé. Espérons que ce débat puisse mettre davantage en lumière cette problématique fréquente dont on parle si peu.

Lisa Vokatch-Boldyreva, journaliste indépendante et étudiante au Certificat de journalisme à l’UdeM.