1. Qui est Rachel Thibeault ?

Je suis une ergothérapeute qui détient un doctorat en psychologie. Au cours d’une longue carrière de clinicienne, de professeure et de chercheure, je me suis spécialisée en résilience psychologique, réadaptation à base communautaire et soutien entre pairs. Depuis plus de 40 ans, j’interviens auprès de populations fragilisées par la maladie, la guerre, les catastrophes naturelles ou les pandémies. Depuis 2018, je travaille comme consultante dans le domaine de la résilience psychologique auprès d’un vaste éventail d’organisations.

2. Qu’est ce que l’ergothérapie ? Que peut-elle apporter aux femmes atteintes de fibromes utérins ou de maladies gynécologiques ?

Il existe de nombreuses définitions de l’ergothérapie et voici la mienne: l’ergothérapie est l’art et la science de donner forme au sens profond à travers des activités quotidiennes simples et ressourçantes et, ce faisant, de cultiver un mieux-être et un équilibre propices à la croissance tant physique que psychologique. Plus spécifiquement issue des sciences de la réadaptation, l’ergothérapie est une profession de la santé qui remonte à la première guerre mondiale et qui se retrouve dans de très nombreux milieux. Les questions d’égalité et de justice sont au cœur même des préoccupations des ergothérapeutes et le bien-être des femmes en général et des femmes vulnérables en particulier représentent donc des enjeux-clefs. Bien que peu d’ergothérapeutes soient embauchés dans les services gynécologiques, ils œuvrent tout de même auprès des femmes vivant avec de la douleur chronique, des situations de stress et des difficultés d’adaptation.

3. Pourquoi devons nous parler de résilience pour ces femmes ?

Toute situation qui entraîne de la douleur, de l’anxiété et une perte de vitalité requiert qu’on s’y attarde pour éviter une dérive vers des états plus graves comme la dépression ou les troubles anxieux. Les femmes atteintes de fibromes utérins vivent ces défis et il est important qu’elles s’outillent pour mieux y faire face.

4. Selon vous quels sont les obstacles face à la résilience qu’une femme peut avoir ?

Un obstacle majeur réside dans la réticence des femmes à prendre soin d’elles-mêmes. Dès notre plus jeune âge, nous sommes socialisées à prendre soin d’autrui au détriment de nos forces vitales. Une première étape est donc d’apprendre à nous observer nous-mêmes, de comprendre nos schèmes et de les modifier, au fil du temps, en douceur, afin de nous accorder le temps et l’attention nécessaires à une vie saine et équilibrée.

5. Quel est le rôle d’un environnement bienveillant dans le processus de guérison ?

Selon des recherches récentes en neurosciences, l’environnement bienveillant constitue notre meilleur facteur de protection psychologique. En fait, baigner dans un climat bienveillant améliore non seulement la santé psychologique mais la santé physique aussi. On rapporte même une diminution de la douleur pouvant aller jusqu’à 50% !

6. Les expériences des femmes vivant avec un ou des fibromes peuvent être souvent négatives et parfois traumatisantes. Comment reconnaître les biais négatifs pour nous aider à faire la part des choses ?

Une des stratégies les plus efficaces est de bien distinguer entre les impacts réels de nos enjeux de santé/traumatismes et les formes de biais de négativité que l’on entretient, souvent sans même s’en rendre compte. Le biais de négativité est un automatisme de notre discours intérieur qui amplifie spontanément les aspects pénibles, sombres ou dangereux d’une situation donnée. On voit le verre à moitié vide. Cette démarche d’identification et de désactivation ne peut se résumer en quelques mots car elle exige une suite de prises de conscience – et d’actions- qui nous permettent en bout de course d’avoir une vision plus juste de notre état et de nous dégager de ces réflexes malsains qui nous entraînent vers le bas.

7. Quelle est la différence entre la résilience de survie et la résilience de bien-être ?

La résilience de survie est la forme de résilience à laquelle on a recours dans les situations d’urgence. Si je dois marcher 20 km dans une tempête de neige pour rejoindre une station-service après m’être embourbée jusqu’aux essieux, je vais solliciter toutes mes ressources pour y arriver car ma survie en dépend. Il s’agit donc d’une forme de résilience qui est utile uniquement sur de très courtes périodes car elle mobilise toute notre énergie. La résilience de bien-être est au contraire une forme d’entraînement à la force intérieure qui se construit au fil du temps et s’effectue tout en douceur. Cette forme de résilience fait en sorte que je cultive les habitudes de vie propices à un bon équilibre tout en me défaisant petit à petit des habitudes qui me sont néfastes. Il est beaucoup plus important de cultiver la résilience de bien-être que de compter sur la résilience de survie.

8. Vivre avec la maladie entraîne son lot de stress qui s’ajoute aux stress quotidiens et peut durer plusieurs années, Y a t’il des moyens pour améliorer sa capacité de résilience ?

De très nombreuses stratégies sont disponibles pour composer avec ces difficultés. Elles couvrent autant des aspects physiques et psychologiques que des activités spécifiques qui contribuent à construire sa résilience. Une image les résume, que je vous mets ci-dessous. Cette image illustre le fait qu’une seule stratégie sera insuffisante pour nous protéger de l’adversité. Seul un ensemble de boucliers superposés peuvent nous accorder une protection sur laquelle on peut compter. Ces boucliers illustrent les différents champs d’entraînement à la résilience.

Bon entraînement !