L’enfer des règles douloureuses

Vous êtes normale, malheureusement c’est cela être une femme” m’avait dit le premier gynécologue que j’avais consulté en griffonnant sur un bout de papier des anti-inflammatoires plus forts pour mes douleurs menstruelles.

Comment voulez-vous qu’une femme puisse se sentir en confiance, écoutée, rassurée quand certains gynécologues ne prennent même pas le temps de vous écouter, de vous examiner afin de découvrir l’origine de vos maux?

J’ai toujours eu des douleurs menstruelles au point de manquer parfois l’école, le travail, de me retrouver à faire des allers-retours, le dos courbé, entre le lit et la salle de bain pour vomir. Seule la douche chaude voire brûlante pouvait me soulager en partie. Les médicaments? Ils me donnaient tous la nausée et finissaient au fond de la cuvette des toilettes à peine ingérés.

Mois après mois, années après années, j’avais fini par m’y habituer tout en appréhendant l’arrivée de ces “maudits anglais”. Si c’était cela être une femme alors je me devais d’être forte mentalement et physiquement car le plus dur à venir c’est l’accouchement, n’est-ce-pas?

Le début des symptômes

Durant l’année de mes 31 ans, en 2019, je notais des changements au niveau de mes menstruations ; elles étaient plus abondantes , je changeais de serviettes hygiéniques aux heures m’obligeant à passer de serviettes régulières à celles de nuit. Les caillots de sang expulsaient littéralement les tampons. Vu que j’avais vu le gynécologue quelques mois auparavant  et qu’il m’avait dit que j’étais “normale”, je mis ces changements sur le compte de la “vieillesse”, sûrement le passage à la trentaine.

Chaque mois, je vivais avec ces nouvelles menstruations, j’adaptais mes sorties, je me changeais régulièrement, je me réveillais plusieurs fois la nuit afin de constater les accidents sur les draps. C’était devenue ma nouvelle routine mensuelle.

Un an plus tard, août 2020, je commençais à avoir une sensation de lourdeur et de brûlure pelvienne, j’avais des envies fréquentes d’uriner la nuit, une petite bosse abdominale apparaissait lorsque j’étais couchée sur le dos et les douleurs lombaires apparues quelques mois auparavant devenaient de plus en plus incommodantes. Le stress au travail lié à Covid, la fatigue due aux préparatifs de mon déménagement de Montréal au Saguenay ont fait que j’ai préféré attendre d’être installée dans ma nouvelle région avant de consulter.

Le diagnostic

Nous sommes début Octobre 2020. J’ai pu avoir un rendez-vous dans une clinique assez rapidement ; après quelques questions, la docteure pense que c’est un problème d’ordre gynécologique.

“Mais êtes-vous sûre de ne pas être enceinte? Votre utérus est très gros , cela pourrait être une grossesse extra-utérine?”, me dit-elle stupéfaite. Je ne savais pas quoi lui répondre tellement j’étais sous le choc. Elle me prescrit alors des prises de sang complètes ainsi que des analyses urinaires. Test de grossesse négatif mais je fais de l’anémie ferriprive causée par mes pertes de sang mensuelles abondantes. C’était donc pour cela que je me plaignais tout le temps d’être fatiguée, que j’étais essoufflée après les randonnées. Trois mois de suppléments de fer et de prises de sang mensuelles en attendant un rendez-vous gynécologique.

Fin octobre, j’ai rendez-vous à l’hôpital pour passer un TACO (une sorte de scan abdominal) : “effet de masse de 9 cm suggestif à priori d’un myome intramural ou sous-muqueux qui déforme la cavité endométriale par rapport à une lésion ovarienne droite. Une échographie pelvienne en gynécologie est recommandée dans les plus brefs délais.”  

C’est à ce moment que l’association Vivre 100 Fibromes m’a été d’une grande aide, ma roue de secours dans ce dédale d’informations. Avant même d’avoir mon échographie pelvienne et vaginale ainsi que mon rendez-vous chez la gynécologue, j’ai pu comprendre mes symptômes, mes maux de toutes ces années et réussi à assembler le puzzle : les douleurs menstruelles, les hémorragies, la douleur pelvienne, les douleurs pendant les rapports, la fatigue, les douleurs lombaires, les ballonnements, la petite bosse… tout était lié à ce fibrome, à “l’envahisseur” tel que je l’avais surnommé. Grâce à l’association, j’avais toutes les clés en main pour prendre une décision éclairée quant à la prise en charge de mon fibrome.

Chirurgie ou HIFU?

Début décembre 2020, le rendez-vous gynécologique et l’échographie arrivent enfin. J’avais les jambes, la mâchoire et la voix qui tremblaient tellement je me sentais impuissante et stressée. Mais pour la première fois, je me sentais écoutée et comprise. La gynécologue décida de me mettre sur la liste prioritaire de ses chirurgies et m’expliqua que l’intervention s’appelait une myomectomie par laparotomie, qu’elle allait faire une petite incision comme une césarienne et enlever cette “boule de neige” qui empêcherait de toute façon tout fœtus de se développer tant le fibrome déformait l’utérus. Vu qu’elle n’avait jamais entendu parler du HIFU, elle me laissa le champ libre de faire mes recherches tout en me conservant sur sa liste prioritaire.

Ni une, ni deux, sur les précieux conseils d’une fibromelle, je montais mon dossier pour le HIFU et envoyais le tout à Bordeaux fin décembre. Vers la mi-janvier, je reçois la réponse : dans mon cas, seule la chirurgie est envisageable. J’étais à la fois déçue de la réponse, soulagée d’avoir eu un deuxième avis mais aussi fière d’être allée jusqu’au bout de mes démarches sans avoir de regret.

Le jour J

Le 4 mars 2021, je reçois l’appel pour ma chirurgie.

Le 8 mars, dépistage Covid et examens pré-opératoires.

Le 9 mars, c’est le jour J. Après une dernière prise de sang et une fois la jaquette de chirurgie enfilée, je me dirige avec l’infirmière jusqu’au bloc opératoire où m’attendent la chirurgienne, la résidente en gynécologie, l’anesthésiste et l’inhalothérapeute. Tout le monde se présente et se montre bienveillant envers moi. L’infirmière me demande d’expliquer dans mes mots l’intervention que je vais subir : “une césarienne mais au lieu de sortir un bébé c’est une masse qu’on va m’enlever”. La gynécologue s’approche alors de moi et me demande si je suis prête. Je lui réponds :“Ai-je vraiment le choix?” Elle me rassure en me disant qu’elle allait faire tout son possible pour que tout se passe bien. Ce sont les derniers mots dont je me souviens avant qu’on m’endorme. La chirurgie a duré environ 1h30.

Je me réveille tranquillement avec quelques nausées. L’infirmière m’injecte un anti-nauséeux et 1h plus tard je suis assez stable pour me transférer en chambre.

Je suis restée à l’hôpital pendant 3 jours avec une sonde urinaire, des fluides intraveineux et une petite pompe de morphine afin de contrôler la douleur. Pour tout vous avouer, après toutes ces années de souffrance, j’étais en quelque sorte conditionnée mentalement et physiquement : la douleur post-opératoire me parut plus supportable.

“2 mois d’arrêt de travail, 1 mois sans rapport sexuel, 6 mois sans essai bébé et accouchement programmé par césarienne obligatoire si je tombe enceinte”. 

Ce sont les recommandations du médecin à la sortie de l’hôpital.

Le retour à la maison a été difficile mais mon copain était là pour tous les petits gestes anodins du quotidien : marcher, se lever, s’asseoir, aller aux toilettes, s’habiller, mettre ses chaussures. Mais de jour en jour, on voyait une nette amélioration et je retrouvais peu à peu mon autonomie.

Conclusion

Bien que la chirurgie puisse comporter des risques, le plus difficile pour moi a été l’attente : l’attente d’un diagnostic, de vivre dans l’incertitude de savoir ce que j’ai pendant des semaines ou des mois. On se fait des films, on joue à Dr google en faisant des recherches sur internet. On se crée des peurs, de l’anxiété. Je pense être quand même tombée sur les bonnes personnes, au bon moment, dans ma prise en charge mais il y a bien une chose qui m’interpelle et me fait réagir :

Si nous savons que les fibromes sont héréditaires, que les femmes n’ayant pas eu d’enfant passé 30 ans ont plus de risques d’en avoir, alors pourquoi ne pas faire des examens préventifs au même titre que les mammographies? Pourquoi attendre que les symptômes apparaissent ou s’aggravent pour en entendre parler des médecins mais aussi de son entourage comme si c’était un sujet tabou?