Directive n° 461 de la SOGC : Nouvelle approche dans la prise en charge des fibromes utérins

Une mise à jour majeure basée sur 12 ans de recherche

En juin 2025, la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada (SOGC) a publié une mise à jour majeure de ses recommandations sur la prise en charge des fibromes utérins. Cette directive clinique n° 461, qui remplace la directive n° 318 de février 2015, intègre les données probantes accumulées entre février 2013 et janvier 2025, offrant ainsi aux cliniciens et aux patientes une synthèse des meilleures pratiques actuelles.

Un problème de santé publique majeur

Les fibromes utérins, également appelés léiomyomes, représentent les tumeurs gynécologiques bénignes les plus courantes chez les femmes en âge de procréer. Au Canada, environ 40 000 hystérectomies sont pratiquées chaque année, et les fibromes constituent la raison la plus fréquente de cette intervention chirurgicale majeure.

L’impact combiné des fibromes, de leurs symptômes invalidants et de leur traitement est considérable sur les plans économique et social. La SOGC souligne que le coût du traitement pour le système de santé doit être interprété dans le contexte du fardeau économique, de la perte de productivité et des impacts négatifs sur la qualité de vie associés à une maladie non traitée.

Une approche personnalisée et respectueuse

La nouvelle directive met l’accent sur une approche individualisée qui reconnaît que chaque patiente est unique. Pour les femmes présentant des saignements utérins anormaux, une anémie ferriprive, des douleurs pelviennes ou des symptômes de pression, le traitement choisi doit prendre en compte les caractéristiques du fibrome et être orienté vers les symptômes de la patiente et ses objectifs de fertilité.

La directive souligne également l’importance d’un seuil d’investigation bas chez les patientes présentant des symptômes de fibrome, reconnaissant que ces symptômes peuvent être débilitants et affecter considérablement la qualité de vie.

Les fibromes asymptomatiques : la surveillance comme option privilégiée

L’une des recommandations les plus importantes de la directive concerne les fibromes asymptomatiques. La majorité des patientes présentant des fibromes sont asymptomatiques et ne nécessitent aucune intervention. Cette approche de surveillance est particulièrement pertinente pour les femmes approchant de la ménopause, période où les fibromes ont tendance à régresser naturellement en raison de la diminution de la production d’œstrogènes.

La directive précise qu’en présence de fibromes entièrement asymptomatiques, l’hystérectomie n’est pas indiquée, car aucune donnée probante ne permet d’étayer de possibles préoccupations quant à leur malignité. Cette position devrait rassurer les femmes qui présentent de tels fibromes et éviter des interventions chirurgicales inutiles.

Options médicales : les anti-œstrogènes pour contrôler les saignements

La directive passe en revue les options médicales disponibles, en mettant particulièrement l’accent sur les traitements visant à contrôler les saignements utérins anormaux, l’un des symptômes les plus fréquents et invalidants des fibromes.

Modulateurs sélectifs des récepteurs de la progestérone

Parmi les options médicales, les modulateurs sélectifs des récepteurs de la progestérone ont démontré une efficacité remarquable dans le contrôle des saignements et la réduction de la taille des fibromes. Ces médicaments offrent le début d’action le plus rapide parmi toutes les options hormonales disponibles.

Analogues de la GnRH

Les analogues de l’hormone de libération des gonadotrophines (agonistes comme le leuprolide ou antagonistes comme l’élagolix et le relugolix) sont également abordés. Ces médicaments induisent un hypogonadisme qui entraîne une diminution de la production d’œstrogènes, permettant une réduction allant jusqu’à 50% du volume des fibromes dans les trois premiers mois de traitement. Cependant, leur utilisation à long terme est limitée par des effets secondaires hypoestrogéniques similaires aux symptômes de la ménopause.

Autres options

La directive mentionne également d’autres traitements médicaux tels que l’acide tranexamique pour réduire les saignements abondants, les anti-inflammatoires non stéroïdiens, et les systèmes intra-utérins à libération de lévonorgestrel.

Options chirurgicales : une gamme complète de solutions

Myomectomie : préserver la fertilité

Pour les femmes souhaitant préserver leur fertilité ou leur utérus, la myomectomie représente l’option chirurgicale privilégiée. Cette intervention consiste à retirer les fibromes tout en conservant l’utérus. Elle peut être réalisée par laparoscopie, laparotomie ou hystéroscopie, selon la localisation et la taille des fibromes.

La directive intègre les données récentes sur la planification chirurgicale, soulignant que celle-ci doit être basée sur l’examen physique, la taille et le nombre des fibromes, ainsi que sur la classification FIGO (Fédération Internationale de Gynécologie et d’Obstétrique).

Hystérectomie : la solution définitive

Pour les femmes qui ne souhaitent plus connaître de grossesses, l’hystérectomie s’avère une solution permanente aux problèmes posés par les fibromes symptomatiques. Cette intervention élimine définitivement le risque de récidive des fibromes.

Options procédurales : l’embolisation des artères utérines

La directive examine en détail l’embolisation des artères utérines (EAU), une option moins invasive que la chirurgie. Cette procédure, généralement effectuée par des radiologues d’intervention, consiste à injecter des agents emboliques permanents ou résorbables dans les artères utérines à l’aide d’un cathéter introduit dans l’artère fémorale ou radiale.

L’intervention est réalisée avec la patiente éveillée, bien qu’elle soit associée à un inconfort immédiat significatif après la procédure. L’embolisation bloque l’approvisionnement en sang des fibromes, ce qui entraîne leur nécrose et leur rétrécissement progressif, permettant à l’utérus de se rétablir complètement.

La SOGC renvoie à sa directive clinique spécifique n° 150 sur l’embolisation des fibromes utérins pour des informations détaillées sur cette technique.

Autres options de traitement basées sur l’énergie

La directive mentionne également d’autres options de traitement utilisant l’énergie, comme la sonographie focalisée de haute intensité, utilisée dans certains pays pour traiter les fibromes sans chirurgie invasive.

Considérations spéciales pour la fertilité

Bien que la directive n° 461 se concentre principalement sur la prise en charge des symptômes, elle précise que les considérations relatives à la fertilité sont abordées en détail dans une directive clinique complémentaire de la SOGC sur la prise en charge des fibromes utérins chez les femmes souffrant d’infertilité autrement inexpliquée.

Cette approche reconnaît que les fibromes peuvent affecter la fertilité de manière complexe et que leur prise en charge dans ce contexte nécessite des considérations spécifiques pour maximiser les chances de grossesse tout en minimisant les risques associés aux interventions.

Diagnostic et imagerie

La directive recommande l’échographie comme imagerie de première intention pour les fibromes, tandis que l’imagerie par résonance magnétique (IRM) peut fournir des informations supplémentaires pour les cas complexes et la planification chirurgicale.

L’échographie endovaginale permet d’explorer la cavité utérine et de diagnostiquer des fibromes de petite taille, tandis que l’IRM offre une cartographie détaillée de la localisation et des caractéristiques des fibromes, essentielle pour planifier des interventions complexes.

Équité d’accès aux soins

La directive souligne une préoccupation importante : l’accès à des thérapies spécifiques pour les fibromes utérins peut être limité par des facteurs sociodémographiques. La SOGC insiste sur la nécessité d’un travail continu pour assurer un accès équitable à toutes les patientes, reconnaissant que les disparités dans l’accès aux soins peuvent affecter de manière disproportionnée certaines populations.

Consentement éclairé et prise de décision partagée

Un élément central de la directive est l’accent mis sur le consentement éclairé et la prise de décision partagée. Les patientes ont le droit et la responsabilité de prendre des décisions éclairées concernant leurs soins, en partenariat avec leur prestataire de soins de santé.

Pour faciliter un choix éclairé, les patientes doivent recevoir des informations et un soutien fondés sur des données probantes, culturellement appropriés et personnalisés. Les valeurs, les croyances et les besoins individuels de chaque patiente doivent être pris en compte dans le contexte de leur situation personnelle.

Langage inclusif et diversité

La SOGC reconnaît l’importance d’être pleinement inclusive et a utilisé un langage neutre dans la mesure du possible. La directive respecte les droits de toutes les personnes auxquelles les renseignements peuvent s’appliquer, y compris les personnes transgenres, non binaires et intersexuées. Les professionnels de la santé sont encouragés à engager une conversation respectueuse avec leurs patients au sujet de leur identité sexuelle et des pronoms qu’ils préfèrent.

Méthodologie rigoureuse

La qualité de cette directive repose sur une méthodologie rigoureuse. La littérature publiée a été recherchée dans PubMed et Cochrane Systematic Reviews, couvrant la période de février 2013 à janvier 2025. Seuls les résultats des revues systématiques, d’essais cliniques randomisés ou comparatifs et d’études observationnelles ont été retenus.

La directive a été préparée par un comité d’experts, révisée par le Comité de pratique clinique en gynécologie de la SOGC et approuvée par le Comité de gestion et de surveillance des directives de la SOGC.

Impact pratique pour les cliniciens

Cette directive clinique vise à faciliter le processus de prise de décision entre les patientes et les prestataires de soins de santé concernant l’évaluation et la prise en charge des fibromes utérins symptomatiques. Elle fournit aux cliniciens une compréhension actualisée de la signification clinique des fibromes et des conseils fondés sur des données probantes sur les options de traitement actuellement disponibles.

Conclusion

La directive n° 461 de la SOGC représente une avancée majeure dans la prise en charge des fibromes utérins. En intégrant plus de dix ans de recherche clinique, elle offre un cadre complet et actualisé pour guider les décisions thérapeutiques.

L’accent mis sur la surveillance des fibromes asymptomatiques, la diversité des options thérapeutiques disponibles, et l’importance de personnaliser le traitement en fonction des symptômes et des objectifs de chaque patiente reflète une approche moderne et centrée sur la personne.

En reconnaissant les défis liés à l’équité d’accès aux soins et en promouvant une prise de décision partagée basée sur des données probantes, cette directive établit un nouveau standard de soins pour les femmes atteintes de fibromes utérins au Canada.


Référence : Chen I, Kives S, Randle E, Rattray D, Sanders A, Vilos G. Directive n° 461 : La prise en charge des fibromes utérins. Journal of Obstetrics and Gynaecology Canada. 2025;47(8):102971.