À l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes
Le 25 novembre marque la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. C’est l’occasion de parler d’une réalité encore trop souvent cachée : les violences gynécologiques et médicales que subissent les femmes atteintes de fibromes utérins. Ces violences, longtemps invisibles, méritent d’être nommées, reconnues et combattues.
Qu’entend-on par violences gynécologiques et obstétricales ?
Les violences gynécologiques et obstétricales désignent des comportements, actes, paroles ou omissions commis par le personnel de santé, qui ne sont pas justifiés médicalement ou sont accomplis sans le consentement libre et éclairé de la patiente. Il s’agit d’une forme de violence contre les femmes qui, bien que longtemps taboue, est désormais reconnue au niveau international.
En 2014, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a lancé un appel mondial pour prévenir et éliminer les traitements irrespectueux et abusifs lors de l’accouchement. Plus récemment, en 2019, le Conseil de l’Europe a adopté une résolution sur les violences obstétricales et gynécologiques.
Ces violences ne se limitent pas à la salle d’accouchement. Elles touchent également les femmes lors de consultations gynécologiques, de suivis médicaux, et particulièrement celles vivant avec des pathologies chroniques comme les fibromes utérins.
Les violences gynécologiques dans le parcours des femmes atteintes de fibromes
La minimisation de la douleur : « C’est normal d’avoir mal »
Combien de femmes se sont entendu dire que leurs douleurs pelviennes étaient « normales », que les saignements abondants faisaient « partie du cycle », ou qu’elles « exagéraient » leurs symptômes ?
Cette minimisation systématique de la douleur des femmes est une forme de violence médicale. Elle retarde les diagnostics, prolonge inutilement les souffrances et peut avoir des conséquences graves sur la santé physique et mentale.
Les fibromes utérins peuvent avoir un impact considérable dans la vie des personnes qui en souffrent, que ce soit au niveau des douleurs, de la fertilité, de la charge mentale, de la précarité menstruelle, de l’aspect financier, médical et même social. Pourtant, trop souvent, ces impacts sont ignorés ou banalisés.
L’errance médicale : des années avant le diagnostic
L’errance médicale est l’une des formes les plus insidieuses de violence gynécologique. Elle désigne le parcours du combattant que vivent de nombreuses femmes avant d’obtenir un diagnostic précis et une prise en charge adaptée.
Le manque d’information, l’absence de médecin de famille et le défaut d’éducation sur le fibrome utérin peuvent causer un retard de diagnostic qui a un impact significatif sur les traitements disponibles.
Cette errance peut durer des mois, voire des années, pendant lesquelles les femmes consultent de multiples professionnels, subissent des examens répétés, et voient leur qualité de vie se dégrader sans obtenir de réponses.
Le manque d’écoute et de consentement éclairé
Trop de femmes se retrouvent face à des décisions médicales prises sans leur participation réelle. On leur impose des traitements sans leur expliquer les alternatives, on minimise leurs préoccupations, on ignore leurs questions.
Le consentement éclairé n’est pas simplement une signature sur un formulaire. C’est un dialogue, une compréhension mutuelle, un respect de l’autonomie de la patiente. Lorsque ce processus est bâclé ou inexistant, il s’agit d’une forme de violence.
L’hystérectomie comme solution par défaut
Pendant longtemps, l’ablation de l’utérus (hystérectomie) a été proposée comme solution systématique aux femmes atteintes de fibromes, particulièrement après 40 ans ou en périménopause.
Bien que cette intervention soit parfois nécessaire et appropriée, elle ne devrait jamais être la première option proposée sans discussion des alternatives : myomectomie, embolisation, traitements médicamenteux, ou simplement surveillance active pour les fibromes asymptomatiques.
Imposer une hystérectomie sans explorer d’autres options, c’est nier le droit des femmes à prendre des décisions éclairées concernant leur propre corps.
Une violence amplifiée pour les femmes afrodescendantes
Des disparités criantes
Les femmes afrodescendantes sont confrontées à une double forme de violence : celle liée au genre et celle liée au racisme systémique dans le système de santé.
Elles présentent un risque trois fois plus élevé de développer des fibromes que les femmes caucasiennes et sont plus souvent amenées à recourir à un traitement chirurgical.
Mais au-delà des chiffres, c’est la qualité de la prise en charge qui pose problème. Les femmes afrodescendantes développent des fibromes 5,3 ans plus tôt que les femmescaucasiennes et présentent des fibromes plus gros et plus nombreux, même en tenant compte d’un statut socioéconomique similaire.
Le syndrome méditerranéen et les préjugés racistes
Le « syndrome méditerranéen » est une croyance raciste encore présente chez certains professionnels de santé selon laquelle les patientes issues de certaines origines ethniques exagèrent leurs plaintes ou la manifestation de leurs symptômes.
Cette discrimination conduit à une sous-estimation systématique de la douleur des femmes afrodescendantes, à des retards de diagnostic et à une prise en charge inadéquate de leurs symptômes.
Les causes restent méconnues
L’absence de consensus scientifique quant à ce qui explique le taux élevé de fibromes chez les femmes afrodescendantes a conduit certaines personnes à suggérer la « dégradation » comme cause potentielle – la détérioration progressive de la santé due au stress chronique de la discrimination raciale.
Le financement limité de la recherche de qualité sur les fibromes, combiné à une pénurie de chercheuses et chercheurs afrodescendants, laisse de nombreuses femmes sans réponses claires sur les causes de leur condition.
Les manifestations concrètes des violences gynécologiques
Actes non consentis
- Touchers vaginaux pratiqués sans explication préalable ni consentement
- Examens réalisés par des étudiants sans information de la patiente
- Procédures douloureuses effectuées sans anesthésie adéquate
- Interventions chirurgicales plus invasives que nécessaire
Paroles et comportements sexistes
- Commentaires déplacés sur le corps, la sexualité ou les choix de vie
- Jugements moraux sur les décisions reproductives
- Infantilisation des patientes
- Manque de respect de la pudeur et de l’intimité
Omissions et négligences
- Absence d’information sur les alternatives thérapeutiques
- Non-prise en compte des antécédents médicaux
- Ignorance des plaintes répétées
- Défaut de suivi approprié
Les conséquences dévastatrices
Impact sur la santé physique
Les violences gynécologiques et l’errance médicale ont des conséquences directes sur la santé :
- Aggravation des symptômes (anémie sévère, douleurs chroniques)
- Complications évitables
- Interventions tardives et plus lourdes
- Séquelles physiques à long terme
Impact psychologique
Les traumatismes liés aux violences gynécologiques sont réels et profonds :
- Perte de confiance envers le système de santé
- Anxiété et stress post-traumatique
- Sentiment d’impuissance et de culpabilité
- Dépression et isolement social
Impact socio-économique
- Arrêts de travail répétés
- Perte d’emploi ou difficultés professionnelles
- Coûts financiers des multiples consultations
- Impact sur la vie familiale et sociale
Comment briser le cycle de la violence ?
Pour les femmes : reprendre le pouvoir
Éduquez-vous : Informez-vous sur les fibromes, les symptômes, les traitements disponibles. La connaissance est un pouvoir.
Écoutez votre corps : Vos douleurs sont réelles. Vos symptômes sont légitimes. Ne laissez personne vous dire le contraire.
Exigez le respect : Vous avez le droit de poser des questions, de refuser un examen, de demander des explications, de solliciter un deuxième avis.
Documentez votre parcours : Tenez un journal de vos symptômes, conservez vos résultats d’examens, notez les rendez-vous et les recommandations.
Cherchez du soutien : Rejoignez des associations comme Vivre 100 Fibromes, partagez avec d’autres femmes, ne restez pas seule.
Signalez les violences : Si vous êtes victime de comportements inappropriés, n’hésitez pas à signaler auprès des ordres professionnels ou des associations de patientes.
Pour les professionnels de santé : changer les pratiques
Écoutez réellement : Accordez du temps à vos patientes, prenez leurs plaintes au sérieux, croyez leur douleur.
Informez complètement : Expliquez les diagnostics, présentez toutes les options thérapeutiques, assurez un consentement véritablement éclairé.
Formez-vous : Sur les biais inconscients, le racisme systémique dans la santé, les violences gynécologiques.
Remettez en question les pratiques : Interrogez les protocoles établis, les habitudes professionnelles, les préjugés intégrés.
Respectez l’autonomie : Les femmes sont les premières expertes de leur propre corps. Elles doivent être des partenaires actives dans leurs soins.
Pour le système de santé : des réformes nécessaires
Améliorer la formation médicale : Intégrer l’enseignement sur les violences gynécologiques, les biais de genre et de race, la communication thérapeutique.
Faciliter l’accès aux soins : Réduire les délais d’attente, multiplier les cliniques spécialisées, améliorer la coordination entre professionnels.
Financer la recherche : Investir dans la recherche sur les fibromes, particulièrement sur les inégalités liées à l’origine ethnique et les facteurs de risque.
Créer des mécanismes de signalement : Établir des voies claires et sécuritaires pour signaler les violences et les manquements.
Diversifier les équipes soignantes : Augmenter la représentation des femmes et des professionnels de santé racisés.
Témoignages : des voix qui se libèrent
« Pendant des années, on m’a dit que mes douleurs étaient normales. J’ai consulté six médecins différents avant qu’on découvre mes fibromes. J’avais développé une anémie sévère. Cette errance aurait pu être évitée si on m’avait écoutée dès le début. » — Sophie, 38 ans
« En tant que femme noire, j’ai souvent eu l’impression que mes symptômes n’étaient pas pris au sérieux. On me disait que je dramatisais. Quand j’ai enfin été diagnostiquée, j’avais déjà plusieurs fibromes volumineux. » — Fatou, 42 ans
« On m’a proposé l’hystérectomie comme seule option à 35 ans, sans même me parler des alternatives. J’ai dû me battre pour obtenir une myomectomie et préserver mon utérus. » — Amélie, 37 ans
En conclusion : de la prise de conscience à l’action
Les violences gynécologiques et médicales vécues par les femmes atteintes de fibromes ne sont pas des incidents isolés. Elles sont le reflet de problèmes systémiques : sexisme médical, racisme dans la santé, formation inadéquate, manque de temps et de ressources.
Mais la prise de conscience est en marche. Les femmes parlent, témoignent, s’organisent. Les professionnels de santé remettent en question leurs pratiques. Les institutions commencent à reconnaître l’ampleur du problème.
Ce 25 novembre, en cette Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, engageons-nous :
À écouter les femmes qui témoignent de leurs vécus.
À croire leur douleur sans la minimiser.
À dénoncer les pratiques violentes et discriminatoires.
À soutenir les associations et les initiatives qui œuvrent pour des soins respectueux.
À exiger un système de santé qui place la dignité, le consentement et le respect au cœur de sa pratique.
Les femmes atteintes de fibromes méritent mieux que le silence, l’errance et la violence. Elles méritent d’être entendues, respectées, soignées avec compétence et humanité.
Brisons le silence. Exigeons le respect. Construisons ensemble un système de santé plus juste.
Cet article est publié à titre informatif et de sensibilisation. Si vous êtes victime de violences gynécologiques ou médicales, n’hésitez pas à en parler, à chercher du soutien et à signaler ces comportements aux instances appropriées. Vous n’êtes pas seule.
